Nous avons rencontré Sophie Dulac la directrice de l’Arlequin et son assistante Juliette Maynal afin de parler de l’évènement de la rentrée cinéma : un cinéma s’équipe pour pouvoir passer des films sous-titrés.
Cette expérimentation a été initiée avec l’aide de la Mairie de Paris et en particulier de la mission cinéma. La Mairie de Paris a en effet permis de lancer les financements nécéssaires pour équiper la salle et surtout pour faire le sous-titrage des films.
3 films français pour l’année 2004
Le budget alloué par la mairie permet pour l’instant de ne sous-titrer que 3 films pour cette année. Qui faut il convaincre ? Le budget alloué pour chaque film pour le sous-titrage de celui-ci est conséquent. Il faut trouver des fonds, mais pas seulement. Il faut aussi convaincre tout le monde que cela a un intérêt.
La société Dolby a été choisie (son concurrent DTS avait fait une avant-première à Beauvais en decembre 2003), amenant avec lui la société TITRAFILM qui sera chargé de faire les sous-titres.
Merci Agnès Jaoui
C’est Agnès Joui qui a accepté et convaincu son distributeur, Mars Film de tenter l’aventure de faire une projection de son film « Comme une image » avec des sous-titres.
Un des principaux problèmes est d’avoir un peu plus de collaboration de la part des distributeurs. En effet pour pouvoir sous-titrer un film, la société TitraFilm a besoin d’un mois de travail. Donc pour que le film puisse être projeté en même temps que les sorties habituelles, il faut arriver à convaincre les distributeurs de donner une copie 1 mois avant, ce qui de nos jours est très compliqué du fait de la peur de ceux-ci de voir des critiques ou des copies avant le lancement officiel.
Enfin du cinéma français
Après le film « Commes les autres », les Ecrans de Paris nous ont confirmé qu’ils vont sous-titrer des films français. « Au début du projet, nous avions pensé à faire une programmation plus large, plus grand-public voire pour la jeunesse, mais nous nous sommes aperçu que ces films (souvent d’origine anglo-américaine) étaient déja proposés en VO dans certaines salles. Aussi nous avons décidé de nous recentrer sur les films français qui, eux, ne sont jamais accessibles en salles. »
Du coté de la technique
Comment ca se passe dans la salle ? Le projecteur video se trouve doublé d’un deuxième projecteur laser qui va superposer les sous-titres sur le film original. L’intérêt de ce système est de pouvoir alterner avec une même copie du film, des séances sous-titrées et des non sous-titrées. Sophie Dulac nous a confirmé que les sous-titres seront projetés en dessous de l’image afin que ceux-ci ne disparaissent pas sur les images claires.
Une volonté d’intégration
Il y aura 1 séance journalière à 18h et 2 séances par jour le week-end. Ces séances ne sont pas des séances « réservées » aux sourds et malentendants, la volonté de la direction, c’est que les « entendants » puissent aussi venir. Face aux critiques possibles (et malheureusement habituelles dans les courriers de téléspectateurs pour la télévision) du public entendant sur le fait que les sous-titres puissent les gêner visuellement ou qu’ils sont différents du dialogue oral et perturbe la compréhension du film, la direction nous indique que les séances seront clairement indiquées comme étant « avec sous-titres » et que c’est à eux de décider si il veulent vivre cette approche du cinéma accessible ou non.
Une expérimentation qui dure ?
Ici la Mairie de Paris a voulu que cette expérimentation soit lancée dans la durée. Les équipements de DOLBY pour le sous-titrage seront installées dans deux des salles de l’Arlequin. Mais la grande inconnue reste le public, c’est à dire nous. Combien de sourds cinéphiles viendront fréquenter la salles ? Depuis des années, le cinéma français restait inacessible.
Même les sorties ou les rééditions en DVD étaient désolantes car moins de 2% d’entre eux (en cinéma français) prenait la peine de mettre des sous-titres. L’Arlequin débute dans une voie comme précurseur, mais encore faut il que nous, le public, fassions le chemin jusqu’à lui. Certes le nombre de films proposé est encore très restreint, mais si nous ne montrons pas d’enthousiasme pour y aller, l’expérience pourrait bien en rester là et la Mairie de Paris renoncer à ce sérieux coup de pouce qu’elle a décidé cette année.
Il n’y a pas que l’argent que dans la vie
Ici donc il s’agit de montrer qu’il y a une attente du public sourd pour avoir des lieux accessibles. Nous avons été sensibles au fait de l’intégration totale du projet, il ne s’agit pas ici de proposer des films au rabais, ni de sous-titrer des vieux films pour dire que l’on est accessibles.
Ici on parle de sorties nationales et accessibles. Plus besoin d’attendre le DVD en éspérant ne pas avoir été oublié par le distributeur, ou encore un passage à la télévision, presque un an plus tard. Cette année, le prix du scénario à Cannes, je pourrai le voir comme tout le monde, en même temps que tout le monde.
Enfin, l’équipe de l’Arlequin montre un réel enthousiasme à vouloir faire de cet projet une réussite. Nous les soutenons dans ce combat, il est si rare que des entreprises privées osent le chemin d’une démarche en faveur du handicap, celle-ci est donc à souligner.